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vendredi 4 mars 2011

Sous le masque de l'abandonné ...


 Qui n'a pas connu une déception amoureuse ? Un chagrin terrible ? Voici un petit texte, simple et sans prétention, qui traite de ces moments compliqués. Bris de coeur ... 




Un pont. De nuit. Partout, de l’eau. Dans l’air. Elle tombe. Il pleut. Quelques lampadaires fatigués diffusent une lueur cireuse qui filtre difficilement au travers le rideau de pluie. Le bruit de mes pas dans l’eau. La sensation de moisi due à mes chaussettes trempées. J’avance. Je ne sais pas pourquoi. Pourquoi je suis là. Pourquoi j’avance. Et pourtant, je ne suis pas surpris. Le fleuve d’encre qui coule en contre bas chante les gouttes qui le martèlent. Symphonie aqueuse.

Les cheveux me collent à la nuque, au front. Pas de vent. Aucune chaleur non plus. Je frisonne. Je ne sais pas non plus pourquoi ; je n’ai pas froid. L’eau qui coule sur mon corps m’apaise, elle me calme. Elle glisse sur mes habits, sous mes habits, sur ma peau. Je la sens même s'immiscer en-dessous. Comme pour me laver de l’intérieur. Comme pour m’absoudre, me purifier. De tout. Et surtout du pire. Le pire ... Je ne parviens pas à m’en souvenir. Je sais que je l’ai vécu, ce pire. Je regarde mes mains et je le vois. Des bandages rougeoyants de sang séché. Et la pluie qui délave le carmin de la tulle ; chaque goutte emportant quelques pigments de ma vitalité éteinte avec lui. Je reste, longtemps. Je ne sais plus très bien si c’est le ciel ou le lampadaire qui me pleut ce vieil or liquide dessus. Une myriade d’étoiles dorées qui fondent sur moi pour me laver de toutes les souillures que j’ai subit. Je pleure. De fatigue. De joie. D’angoisse. J’ai peur. Mes mains, elles sont amochées. Pourrais-je écrire encore ? Je voudrais les lever, les porter à mon regard, plus près, pour les voir. Elles sont trop lourdes. Poids morts. Elles pendent à mes côtés, balanciers du faible équilibre qui me maintient debout. Et si je ne peux plus lire ? Manier une plume ? Pire, si je ne peux plus tenir un livre ? Mes larmes redoublent. La pluie aussi. Elle coule en de longues traînées noires sur mes joues. Un ciel d’encre pleure mon malheur.

Tlic, Tloc. Ma peau se détend, la mitraille liquide a cessé. J’ouvre les yeux. Je suis sous un parapluie. Il est rouge. Je suis noir. Elle est blanche. Immaculée. Je crois la reconnaître, mais les ténèbres liquides me brouillent les yeux. Avec douceur, elle pose une main chaude sur mon visage marqué. Ses lèvres bougent, mais ce ne sont pas des sons qui sortent. Elle parle une magnifique écriture manuscrite. Fine, avec de grandes boucles penchées pour les «l» et les «f». Elle fait ses «i» comme des virgules, ornées d’un petit point rond. Je déchiffre. «Je suis là». Moi aussi. Sous le parapluie vermeille. Je la regarde. Dieu qu’elle est belle. Son nom me revient. Lointain, brumeux. Je voudrais le prononcer, mais je suis également frappé par l’alalie. Je voudrais l’écrire mais mes moignons refusent de donner forme aux messages de mon coeur. Solitude dans tes bras. «Pourquoi m’as-tu oublié ?», écrit-elle de ses lèvres de corail.

Il pleut dans mon coeur les cordes de mes amarres rompues.

Marcel Shagi 

1 commentaire:

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