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mardi 4 janvier 2011

La Descente

La ville se lave aux eaux de pluies, les rues glissent et me roulent dans le temps. Je descends.
Les passants baissent les yeux sous les larmes du ciel, et marchent comme des parisiens. Pressés, affairés, évitant à tout prix les autres. Ils semblent porter les nuages sur leurs têtes, et blessés par ce fardeau, cherchent à tout prix à se dégager de là. C’est plus fort qu’eux. Le son est celui des travaux, de la solitude, des voitures. Les commerçants sont derrière les vitres et scrutent les passants, espérant que l’un deux s’arrête et brise le monotone de sa journée, et lorsque les vitres reculent pour le laisser passer, le vent se retire un instant de la rue et s’engouffre dans la boutique, comme heureux. L’effervescence des fêtes est sans doute retombée, et la vie reprend son cours, douloureux, grinçant. Je ne peux m’empêcher de sourire à ce mendiant qui est assis à côté de l’église, les mains jointes. Je ne donne jamais rien aux mendiants. La rue marchande finit bientôt de se dérouler sous mes pas. Là, sous la grande porte Sonnerie, il y a un guitariste qui fait la manche. Son instrument est en bois clair, ça me surprend qu’il continue de jouer sous cette petite pluie fatiguée. Cette petite ville fourmillante de lentes et mortes d'activités s’embrase un peu soudain, alors que ce vieux monsieur emmêle ses beaux doigts dans les cordes. La musique vient peu à peu animer la rue, colore les joues, les enseignes, et anime les mannequins derrière les vitres. C’est du flamenco, et j’ai très envie de danser. Mais ça passe vite, et bientôt je suis lassée. Je continue d’errer, sans idée précise, et complètement éperdue. J’entre dans une parfumerie, me parfume le cou, et sors, sans un regard alentours. Je pose ma nuque contre un platane immense dont je ne peux voir que les branches grises, et essaie de penser à quelque chose. J’aimerais penser que j’ai rendez-vous avec quelqu’un que j’aime pour pouvoir ignorer le monstre qui sommeille dans le cœur de ces gens qui dévale la pente de la rue à mes côtés, qui me gueule de les suivre, de me complaire dans leur insignifiance. Je ne peux pas, je veux m’élever, me grandir. J’aimerais penser à quelque chose de précis comme eux, sans doute. Un amour, un but, une idée. Je suis bien vide, pourtant.

Mon regard croise celui d’un paysage, je prends une photo, et sais de moins en moins ce que je peux bien faire là, cette odeur dans la nuque, et les chaussettes trempées. Il est peut-être temps que je rentre. J’ai l’impression d’être l’une des leurs, tout en étant l’intruse. Je pourrais tant faire, entrer dans une librairie, humer la délicate odeur du papier neuf, puis aller au cinéma, me gorger d’une histoire, mais non. Il a fallu que je n’ose pas. Je descends toujours, et les lumières sont bientôt derrière moi.
La nuit hivernale va me prendre de court, je la sens.
C’est la première fois que je visite ces rues-là. Elles sont sombres, sinueuses, et là où il n’y a pas d’hommes, il n’y a que des chiens errants qui vous sentent de haut en bas, avant de continuer leur route et de gratter aux portes. Les étoiles ont déserté un morceau de ciel, et la seule lumière qui puisse me guider est celle que les téléviseurs projettent violemment contre les fenêtres. Le froid s'insinue entre mes cuisses et au creux de mes bras, et une petite toux sèche s’empare de mon sternum. Je commence à me faire peur. Les maisons grises m’oppressent, je n’ose plus continuer, ni reculer. Je dois rentrer. C’est le moment que choisit un ivrogne pour tituber vers moi, un sourire flottant sur les lèvres. Je lui souris brièvement et m’en retourne chez-moi, avec tous les autres. Je cours un peu, je suis détrempée. Et me retourne sur le centre ville une dernière fois : c’est un grand ensemble gris, sale, timide, en contrebas d’une colline nue décimée par le feu. Le dédale des rues est bancal, la pluie est plus forte. 
Il me reste la beauté de la photo. Beauté triste, beauté pauvre, mais beauté tout de même.

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