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samedi 12 juin 2010

Sous le masque de la révolte

 La littérature est un jeu de rôle. L'écrivain (ou l'écrivant (oui, on pourrait se passer de cette précision qui, en fin de compte, n'apporte rien au propos ; mais comme je ne souhaiterais pas usurper le titre d'écrivain, je me sens obligé de rajouter ce maladroit néologisme)), est destiné à la schizophrénie. Il passe tour à tour les masques de la joie, de la colère, le l'envie, de la détresse, afin de donner corps à ses personnages ainsi qu'à son propos. Le texte suivant a été écrit sous le masque de la révolte.

J’ai envie de crier, ou peut être pas. Plutôt, j’aimerais pouvoir obscurcir le soleil, la lune, le ciel et tout corps céleste visible depuis la Terre. J’aimerais pouvoir rendre le monde aussi noir que mon cœur me paraît l’être. Perdu sur une planète peuplée d’êtres hybrides et fourbes, je voudrais me croire autre, différent, peut être mieux. Si je ne l’étais pas, comment serais-je dégoûté de cette race humaine qui pullule et détruit ? Peut être mes yeux m’abusent. J’espère. Peut être que le monde est encore bon, l’a-t-il jamais été ? J’aimerais que toute la merde de ce monde ne soit l’œuvre que d’une poignée. Et plus encore, j’aimerais détruire, éradiquer, annihiler, cette poignée d’hommes dont le seul nom de double sapiens est indigne d’eux.
Si cacher le monde d’un soleil éblouissant permettait aux gens de cesser de plisser les yeux, de cesser d’’entre-apercevoir et de se mettre, enfin, à regarder, à contempler son véritable visage, alors que sur le champ je devienne un fléau, une peste, une apocalypse et qu’en mon nom s’éclipsent les astres qui éclairent ce bout de caillou interstellaire sur lequel broute le docile troupeau. Que la nuit vienne, de concert avec la cruauté de l’hiver, et qu’enfin, désemparée et démunie, abandonnée à son sort, l’humanité se réveille et se rende compte de son cancer, au seuil de sa propre mort.

Je foulerai allègrement l’Eden, et toutes les terres éternelles quelles qu’elles soient pour enfin terminer de mes mains le règne infâme de l’ignominie religieuse. Si les hommes ont besoin de croire en un Dieu, si cela leur apporte du bonheur ; ce n’est jamais que parce qu’ils n’ont plus –l’ont-ils jamais eue ?– la force de croire en eux-mêmes, en leur propre sang. Ce sang qu’ils ont tant de fois trahi, leur sang, souillé, versé, au nom de stupides d’idoles, au nom de croyances dépourvues de sens, au nom du peuple de mouton sages et serviles qu’ils sont devenus.
Je veux croire que l’homme est devenu un loup pour l’homme, qu’il ne l’a pas toujours été. Je veux croire qu’il a un jour existé une forme d’humanité qui avait en elle le potentiel de créer un monde dépourvu de vice et de comportements grégaires. Un monde où l’humain pense, et donc est. Un monde où aimer est un acte, et non un penchant. Un monde où la vie a un sens, qu’elle soit la notre ou celle d’autrui.
Quand je pense qu’en développant un peu ce discours, en le dotant d’une vraie valeur littéraire, j’attirerais sans doute rapidement à moi une foule fanatisée et prête, pour suivre ces préceptes, aux horreurs que je crois dénoncer, j’en ai la nausée. L’enfer est pavé de bonnes intentions et ceux qui prêchent bien embrigadent les moutons qu’ils voudraient éveiller.

Le monde est pourri.
Qu’il s’agisse des Cieux, de la Terre, de la Géhenne voire des Enfers, on ne peut plus compter sur personne pour être à la hauteur. L’Homme a chût, il y a trop longtemps. Avec lui, il a emporté toute sa mythologie, corrompant du même coup anges et démons, bons et mauvais, et damnant sa propre descendance à cause de son égoïste soif de pouvoir.
En fin de compte, il n’y a que guerres, haines, violences et quand ces mots sont absents, ce sont leurs frères jumeaux félonie, peur, trahison et vengeance qui prennent leur place dans les cœurs. Le bonheur, ce repos de l’âme et cette confiance en la vie, en l’avenir, en l’avenant, cette douce quiétude des matins d’azur baignant dans les tièdes rayons d’un soleil protecteur et bienfaisant, il n’est plus de ce monde. Il n’est plus un être vivant aujourd’hui qui ne craigne pas pour sa vie où celle de ces proches, non pas à causes des caprices du Destin, mais bien à cause de ceux de ses semblables ! Les étoiles que les enfants portaient dans leurs yeux sont tombées dans la boue, se sont brisées comme des éclats de rire.

Que dit alors le peuple ?
Rien ! Il ne dit rien parce qu’il ne voit rien. Aveuglé par des idoles, obnubilé par sa petite personne, dominé par la peur, l’humain ne voit ni ne dit quoi que ce soit. Il se contente de survivre, imitant la frêle fourmi qui louvoie sous la pluie pour éviter les gouttes qui lui semblent tomber dessus exprès. Le drame de cette danse morbide est que le troupeau de mes semblable ne voit même pas qu’il est la source, l’origine, le nuage qui a engendré ce déluge de maux. Sont-ce encore mes semblables ? Suis-je encore des leurs ? Telle est la question que j’en viens à me poser. Je ne reconnais plus en l’humain, j’ai perdu la foi en l’ange, et le démon me fait pitié. Alors qu’ils sont complémentaires, alors qu’ils sont les parties d’un tout, ils sont coincés dans un système de rôles complexes et vain qui les mène vers une lente mais certaine destruction, celle de notre monde, ou plutôt, celle de leur monde, que je vomis intégralement et définitivement.

Que faire, qu’être, alors, lorsque le bonheur est mort, que l’espoir l’a suivi dans la tombe et que l’on est trop clairvoyant pour se laisser avoir par le religieux ? Que puis-je être ? Que puis-je faire ?

La réponse : écrire.

Marcel Shagi 

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