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mercredi 2 juin 2010

Chroniques oubliées, chapitre apocryphe premier


La ville s’endormait. Les derniers rayons d’un soleil cancérigène venaient se poser sur Roglared’nam, la ville carrefour, à l’est de Leshrac. Comme tous les soirs, avec les ombres, les rues désemplissaient et ne restaient dehors que les « hiboux », surnom donné aux noctambules par les bonnes gens, vivant le jour, donc, et répondant eux-mêmes au doux sobriquet de « fourmis ». Alors que les fourmis, harassées par une dure journée de labeur (ou pas) se rentraient gentiment dans leurs immondes baraquements, les oiseaux de nuits ne s’éveillaient pleinement que sur les coups de minuit. Petits trafics et transferts de frics, les rues désertées étaient fréquentées par une bien étrange société. Mécréants de tous acabits, criminels forcenés sans le moindre alibi ; c’est de cette faune infâme qu’était extrait le héros de ce drame, l’héroïne même.
Petite sans être naine, velue sans être gnome, raffinée mais sans pour autant pouvoir revendiquer un seul aïeul elfique, elle se mouvait avec agilité dans les rues ténébreuses de cette cité viciée. L’agilité et la hargne dont elle faisait preuve étaient respectées par tous les brigands du quartier. Elle était considérée comme un bon parti par sa communauté d’origine où sa blondeur était fort prisée. Peu pudique, elle ne se vêtait que d’un gilet ouvert sur ses formes naissances qui se laissaient deviner sous son abondante pilosité. Ses poignets étaient, quand à eux, enroulés dans quelques bandes plutôt serrées qui lui donnaient un air de karatékate déterminée. Dans ses yeux en amande, plus sombres que l’encre, brûlait la flamme de la détermination que venaient ambrer les tanins de l’ironie.


Dans son milieu d’origine, un milieu sauvage et cruel, c’était la communauté qui choisissait les prénoms de ses membres une fois leur septième anniversaire arrivé. Pisse-au-lit, ainsi avait-elle été baptisée par ses pairs, à cause des fréquentes plaintes de son père sur ses incessants accidents urinaires. Jusque là gentille fille, pisse-au-lit s’était sentie humiliée par ce surnom digne d’une gerbille –et encore ! Renfrognée, colérique, elle s’était juré de donner une leçon à tous ceux qui lui faisaient la nique. Mise au ban de sa société, elle avait plongé dans les affres de la délinquance et menaçait de plonger en plein dans la déviance. Ses jeux débiles n’étaient plus, depuis longtemps, puérils. Peinturlurage de murs au cirage, vols et larcins, elle avait même trempé dans une horrible affaire dans laquelle on la soupçonnait d’avoir bombardé le maire de la ville avec une salve de boules puantes. Une sale gosse quoi.
Au bout du rouleau, un beau matin d’hiver, c’est au grand complet que sa communauté l’avait exilée. Reniée, abandonnée, la jeune pisse-au-lit s’en était allée, sans but affiché, errer dans les prés et vallées qui jouxtaient la cité qui l’avait enfantée. Au détour d’un chemin, elle rencontra un troubadour assaillit par un vaurien. N’écoutant que son courage, mue par sa haine autant que par sa hargne, la jeune rebelle apatride eu des élans homicides. Elle sauta, littéralement, sur ledit voleur et lui botta l’arrière train avec entrain. Rapidement vaincu, gravement blessé au … doigt, il capitula devant la férocité sauvage qu’elle avait manifestée. Le troubadour enchanté lui demanda d’un ton fébrile :
- Quel est le nom de celle que désormais je promets d’honorer de mes chants subtils et aux pieds de qui je mets tout mon style ?
- Je m’appelle …
- Oui ?
- Je … Roooh, et puis on s’en fiche, non ?
- Que nenni ! Le propre d’un troubadour est de chanter la force, la vaillance et le courage afin de donner espoir au peuple et de ramasser un joli tas de richesses. Car le chant guerrier est ce qui marche le mieux chez la basse populace, et l’aristocratie en est vorace.
- Pisse-au-lit !
- Soyez polie !
-Mais non, c’est là mon nom !
- Pisse-au-lit ?
- C’est cela, oui.
- Mais c’est abject !
- Je dirais même infect !
- Il nous faut vous trouver un nom digne de votre hardiesse.
- Et comment comptez-vous réaliser une telle prouesse ?
- Avec un soupçon d’imagination, une once de créativité, et une bonne dose de culot, rien n’est impossible au poète !
- Mon dieu, ce que vous êtes verbeux !
- C’est toujours mieux que d’être obséquieux. Je le dit, l’affirme, le revendique et le signe : je suis un poète indépendant, un troubadour chantant, une âme libre qui de l’artiste a la fibre ! Je ne fais pas de la poésie d’Etat, moi ! Mon art n’obéit qu’à ma loi.
- Bla bla bla …
- Pissenlit !
- Heing ?
- Pissenlit pardi !
- Au risque de me répéter : Heing ?
- Voici votre nouveau nom !
- Me prénommer pissenlit ? C’est une farce, non ?
- Allons, ne soyez pas revêche, il est très bien ce patronyme.
- Revêche ?! Espèce de pimbèche ! Pissenlit, mais à quoi ça rime ?
- Sauf votre respect, ma pileuse et délicieuse amie, je suis un homme. Or pimbèche est une agressive invective que l’on réserve au genre féminin. Et puis, pissenlit, c’est à la fois champêtre, comme vous, et proche de votre véritable identité. Vous avez mieux peut être ?
- Grmlgmrlgmrmglrmr …
- Je comprends votre désarroi, mais sur ma foi, vous ne le regretterez pas.
- Soit, désormais je serai Pissenlit, la terreur des rongeurs, le fléau des oiseaux, l’annihilation des poissons !
- Votre régime alimentaire, je présume.
- Exact. D’ailleurs, j’ai la dalle !
- Cela est pour le moins … original.
- Original ? Qu’importe, je l’assume ! Au fait, barde, comment t’appelles-tu ?
Ce joyeux drille était connu sous le pseudonyme de Lutrinae. Grand, élancé, il portait sur ses frêles épaules une tenue d’arlequin passablement délavée. Ils parlèrent tout l’après midi durant, de tout, de rien, et surtout du reste. Le soir venu, Lutrinae l’invita à séjourner sous son toit. C’est ainsi que, suivant ce poète dans l’âme, elle découvrit la cité de Roglared’nam…

***

Ce soir là, Pissenlit arpentait les rues à la recherche d’un quelconque méfait à perpétrer. Déambulant nonchalamment dans les allées abandonnées, elle songeait, non sans nostalgie, à Lutrinae, son barde d’ami. Depuis leur rencontre, ils s’étaient perdus de vue et à le retrouver elle n’était parvenue. Soudain, au détour d’une allée, la jeune voleuse fut percutée par un fuyard visiblement paniqué. Aussi vive que vivace,  elle se mit promptement en position de combat, prête qu’elle était à mettre son adversaire à bas. Mais en lieu et place d'ennemi se trouvait son barde évanouit. Ses traits semblaient tirés, sa fatigue et sa terreur transpiraient par tous les pores de sa peau halée. Quelques baffes plus tard, il se réveillait ... 
- Pissenlit, il nous faut fuir au plus vite !
- Fuir ? Pourquoi ça ? D’où vient cet effroi qui t’habite ?
- Ils sont après moi, je ne peux dire pourquoi.
- Soit, viens avec moi !
Alors qu'ils prenaient leurs jambes à leurs cous, un ombre inquiétante surgit tout à coup. Et leurs pas feutrés sur le sol se suivant, la course était lancée entre fuyards et poursuivant. Plus fine et plus agile que son compagnon gracile, Pissenlit aurait pu semer Lutrinae et le laisser, seul et pantelant, affronter son terrible assaillant ; ce qui aurait été en parfait accord avec son amer caractère de guerrière. Sans qu'elle su dire pourquoi, alors que la salut n'était qu'à deux pas, elle se figea à l'entrée d'une ruelle, fit volte-face et, d'une voix cruelle, adressa à son ami quelques mots fugaces.
- Cours Lutrinae, cours !
- Mais …
Trop tard, c'en était fait, sur l’ombre déjà elle bondissait. Les ténèbres dissimulaient cet individu d’une haute stature et à la sombre allure qu’une cape couleur nuit dissimulait aux yeux d'autrui. De sa nature, elle même ne pouvait être sûre. S'agissait-il d'un homme, d'un démon ou bien d'un gnome ? Sans préliminaires, et faisant fi de toutes manières, la loutre de combat sur son ennemi se jeta ... 

To be continued …

Marcel Shagi
En hommage et écho à cet article inspiré, commis par Flight'

1 commentaire:

  1. J'ai lu, en long en large et en travers, tant par plaisir que pour trouver une fin à cette histoire, tous les articles ici présents, mais je n'ai rien trouvé encore, et j'en suis fort contrariée :)

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